Publié sur Bilan.ch le 22 Janvier 2016.
Pour comprendre l’ADN du Private Banking, dont je parle dans mon précédent billet comme un élément essentiel à retrouver pour faire face aux défis futurs, penchons-nous d’abord sur comment le Private Banking a émergé en Suisse au 19ème siècle et comment il a évolué avant et après le secret bancaire.
Dans mon précédent billet, je concluais en écrivant que le futur de la banque privée pouvait être recherché dans son passé :
Redécouvrir l’ADN de la banque privée, le revendiquer et rediriger ses ressources pour se réinventer sans se renier permet de relever les défis actuels, sans timidité, ni arrogance, mais avec détermination.
Il s’agit de redécouvrir l’esprit, bien sûr actualisé, de ce que fut la gestion de fortune, avant la création récente de l’industrie financière, avant l’utilisation détournée du secret bancaire. Je vous parle d’un temps plus lointain où on venait en Suisse certes par mesure de sécurité, mais aussi pour y trouver des perspectives de financement et des débouchés pour son patrimoine.
Au fond, ce qui a attiré de manière massive des capitaux en Suisse, ce sont les périodes troublées en Europe (guerres de religion, guerres militaires, guerres monétaires et contrôles des changes). De grandes fortunes sont venues trouver refuge en Suisse. Mais pas seulement un refuge. Elles venaient aussi y cherchaient des débouchés pour leur patrimoine financier depuis un pays neutre, ouvert à l’international, dont l’intégrité territoriale et extraterritoriale était respectée, dont la monnaie et l’économie étaient plus stables que les places financières concurrentes. Grâce à ses conditions cadres, la Suisse accueillait ainsi des patrimoines qui étaient réinvestis en partie dans des projets à l’étranger sous le label et la protection suisse. Cette attractivité s‘est accentuée lors d’un 20ème siècle secoué par deux guerres mondiales, des cracks financiers et une guerre froide.
Et les banques privées et la gestion de fortune dans tout ça ?
Les banques privées suisses s’étaient d’abord créées comme banques commerciales et de financement du négoce dès la fin du 18ème siècle et ce n’est que progressivement qu’elles se sont tournées vers le conseil des riches familles de marchands, plutôt que de gérer leurs opérations commerciales.
Cette transformation s’était notamment imposée par l’apparition au milieu du 19ème siècle des banques cantonales et des premières banques commerciales, le Credit Suisse, l’Union de Banques Suisses et la Société de Banque Suisse. Ces dernières s’arrogèrent la meilleure partie de l’activité commerciale et de financement du négoce jadis tenue par les premières banques privées (je prends ici la liberté d’un raccourci inspiré des travaux et interviews de Youssef Cassis, professeur d’Histoire économique au European University Institute de Florence, que je vous invite à lire pour plus de détails et de précisions).
Bien plus tard, le secret bancaire et la recherche d’optimisation fiscale ont petit à petit transformé l’activité de conseil dédié à quelques grandes familles en une activité de coffre-fort pour un plus « grand » nombre. Les débouchés commerciaux et les investissements directs dans l’économie réelle ont été supplantés par les produits anonymes de l’industrie financière. Cela convenait mieux au secret bancaire et les perspectives de gains étaient, en tout cas au début, extrêmement attractives, particulièrement quand les attentes ne dépassaient guère celles que l’on a pour un coffre-fort.
Que peut-on en déduire des origines de la gestion de fortune et de l’ADN des banques privées pré-secret bancaire ? une très forte culture entrepreneuriale tournée vers l’international, innovante face à la concurrence. Cette innovation est partie de leurs clients existants : elles entretenaient la confiance de grands clients commerciaux fortunés ; elles savaient géraient leur propre fortune ; elles leur ont proposé de gérer la leur.
Dans deux ans, l’échange automatique d’information sera mis en œuvre pour les comptes encore ouverts en 2017.
J’ai largement dépassé mes 3’000 caractères pour ce billet (3’700 en fait). Il faudra attendre la semaine prochaine pour réfléchir aux différents scénarios qui se présentent. Le baromètre EY récemment paru confirme ce que j’écrivais en mars dernier et dans mon dernier billet :
il est temps de penser à autre chose qu’aux risques, aux coûts et à la réglementation, pour donner la priorité aux clients, aux collaborateurs et à l’observation de ce qui se passe à l’étranger.
Comme le firent au 19ème siècle les premiers banquiers privés.
Cette chronique est aussi la vôtre, faites part de vos commentaires.
La suite de ce billet: Back to the Future, partie 2