Signes extérieurs: attitude cool, dynamisme anticonformiste, croyance affichée dans le fait que la «disruption» œuvre pour bâtir un monde meilleur. Réalité intime: pulsions monopolistiques irréfrénables, reproduction par ignorance d’anciens schémas, désintérêt profond pour le bien-être général… – “Internet lieu de partage ou de monopole?“, 2 mai 2015, par Nic Ulmi (http://bit.ly/1EFqhb0)
Alors Internet, Disruption positive ou Nouvelle donne inégalitaire ? Andrew Keen soulève des points importants et, c’est vrai, intriguants. Néanmoins, Internet est certes validé sur le plan technologique, mais, pour le reste, il n’en est qu’à l’age de l’enfance ou au mieux de la pré-adolescence, et, surtout, il n’est qu’un outil qui libère des possibles. La révolution française et son apport à la Démocratie ne doit pas être jugée sur les années thermidoriennes de Comité de Salut Public et de terreur.
Internet permet de se faire entendre et connaître par plus de monde, plus vite, plus loin, pour moins cher.
Un public a soudain une alternative si l’histoire lui plaît, lui convient, et il peut le faire savoir, s’en mêler.
Bien sûr, comme partout, des pratiques contraires à l’intérêt général peuvent se développer, des monopoles peuvent se créer.
Toutefois, contrairement aux monopoles du monde classique, notamment industriel, un nouvel acteur peut apparaître du jour au lendemain et bousculer l’ordre établi.
Il suffit pour cela que les parties prenantes à un marché donné ne soient plus satisfaites par le statu quo.
Mais un nouvel acteur n’aura du succès avec sa solution que si chacun y trouve son compte 8y compris l’Etat).
Uber est l’exemple utilisé par Andrew Keene, et c’est un bon exemple qui peut aussi être utilisé en contre-pied à sa thèse: des clients ou des utilisateurs au sens large (il faut toujours penser à eux d’abord, qu’il y ait ou non échange monétaire, y compris dans le monde éducatif, santé, humanitaire…), des clients, donc, ne trouvaient pas satisfaction dans l’offre actuelle de taxis.
Uber a su répondre à cette frustration et c’est ce qui a créé son succès: des chauffeurs se sont inscrits et des clients ont acheté.
On l’oublie trop vite: sans clients et sans chauffeurs, Uber n’est rien d’autre qu’un Google map avec deux ou trois écrans en plus, une base de données, et un marketing de guérilla pour se faire connaître.
Peut-il abuser de sa position dominante? oui, bien sûr, comme toute entreprise à succès, mais il ne faudra alors pas longtemps pour qu’une association de chauffeurs frustrés se crée dans une ville et développe sa propre solution (coût technique autour de 30’000 francs), ou pour qu’un entrepreneur satisfasse mieux des clients frustrés par le prix, la qualité, la disponibilité, etc.
La solution technologique est peu chère et très simple à copier.
Le coût de changement pour le chauffeur ou le client est voisin de zéro (mesuré en temps passé à changer).
Un nouvel acteur pourrait émerger à une vitesse proportionnelle à la frustration créée par Uber.
Taxiphone à Genève s’est créée sa propre solution, copie parfaite d’Uber.
Mais, comme tout acteur de “l’ancien” monde, ils ont raté un point essentiel qu’ils auraient vu s’ils avaient d’abord pensé aux clients: le paiement simplifié à l’extrême par pré-enregistrement de la carte bancaire dans le profil client ; je rentre et je sors de la voiture les mains dans les poches sans interruption, comme avec mon chauffeur privé ; on me sert même un rafraichissement ; je peux même donner une note de satisfaction.
Révolutionnaires réponses à 3 problèmes récurrents sur ce marché vus du point de vue du client: trouver un taxi, payer sans avoir de monnaie, être satisfait par le service.
Internet n’est pas plus moral ou angélique. Il est juste plus ouvert et libre.
Il a donc le potentiel de faire converger une solution vers une situation d’équilibre plus satisfaisante pour toutes les parties (y compris l’Etat), sans entrave, contrairement au monde “classique”. Quand l’insatisfaction devient trop grande, une solution plus adaptée peut apparaître très vite.
Un seul impératif: permettre à tous d’avoir accès à cet espace pour s’y exprimer et y entreprendre
donc combler le “fossé numérique”, à tout prix. Voilà le rôle essentiel de l’État. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire. Je reste optimiste et positif. D’ailleurs, l’alternative à cet état d’esprit ne me plaît guère.