Cet article a été publié sur le magazine économique suisse Bilan le 18 avril 2018.
La semaine dernière, nous avons défini ce qu’était la transformation digitale, pourquoi c’était important, quels étaient les trois thèmes sur-commentés dans les médias pour aborder le sujet et nous avons détaillé le premier d’entre eux, le changement de culture.
Cette semaine, abordons la technologie et la stratégie.
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La semaine dernière, nous avons défini ce qu’était la transformation digitale, pourquoi c’était important, quels étaient les trois thèmes sur-commentés dans les médias pour aborder le sujet et nous avons détaillé le premier d’entre eux, le changement de culture.
Cette semaine, abordons la technologie et la stratégie.
On pourrait aborder le sujet sous l’angle de la technologie
Blockchain, Objets connectés, Big Data, Intelligence artificielle, etc.
Non seulement les degrés de maturité diffèrent, non seulement les cas d’utilisation varient, mais encore leur mise en œuvre est complexe et au rapport coût/bénéfice incertain.
On ne s’y lance qu’après avoir d’abord défini à quoi tel ou tel outil pourra bien nous servir à nous, dans notre contexte.
La seule bonne nouvelle à retenir est qu’il y a forcément une technologie qui existe pour ce que l’on veut faire, le plus souvent au juste prix.
Pour un dirigeant, c’est la seule chose à savoir.
Il sera toujours temps de se préoccuper du comment et du combien plus tard, une fois que l’on sait où on veut aller et pourquoi.
Ce n’est donc pas par ce bout qu’il faut aborder la question.
On pourrait aborder le sujet sous l’angle de la stratégie
Repenser son modèle d’affaire. Réfléchir à de nouveaux produits et services. S’immuniser contre le prochain Uber qui attaquera son marché.
C’est tentant. Des trois propositions, c’est la plus pertinente. Pour autant, comme on l’a écrit la semaine dernière, que ce ne soit pas délégué, mais que cela reste une réflexion et une décision du comité de direction.
Toutefois, les entreprises qui font face à la transformation digitale sont par définition déjà établies sur leur marché.
Elles ont une histoire, une vision, des résultats, des clients, des collaborateurs, des partenaires et des fournisseurs, des processus et un outil de travail.
C’est toute cette savante alchimie patiemment développée qui les rend unique et forge leur identité.
Ce qu’elles veulent et ce dont nous parlons, c’est s’adapter à l’ère digitale, pas inventer une nouvelle entreprise, ce qu’un projet de refonte stratégique ne manquerait pas de faire.
Personne ne sait de qui et d’où viendra la prochaine innovation ou le prochain « Uber » du secteur, ni à quelle vitesse.
Aucune étude stratégique ne peut le prédire.
L’exercice qui consisterait à définir d’abord une stratégie paraît donc un brin illusoire, surtout dans un contexte de PME ou ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire) qui est par nature plus pragmatique et réagit de manière entrepreneuriale aux signaux de son environnement direct et notamment ses clients et fournisseurs.
Définir la stratégie a priori laisse par ailleurs deux problèmes à résoudre : comment la mettre en place et qu’est-ce que cela signifie concrètement pour mon entreprise dans ses tâches quotidiennes ?
Il faudra en passer par une étape essentielle : s’adapter à la nouvelle infrastructure digitale.
Alors autant commencer par cela.
Car de même qu’on ne peut entrevoir le sommet d’un escalier en colimaçon qu’après avoir gravi quelques marches, on doit d’abord adapter son entreprise et ensuite envisager les opportunités stratégiques qui sortiront inévitablement de nos nouvelles façons de travailler et d’interagir avec notre environnement.
La stratégie doit elle aussi devenir agile. L’ère digitale le permet et le commande.
Même le cabinet McKinsey, dont la stratégie est pourtant le fond de commerce, le recommande: « Cela permettra à l’organisation de détecter les opportunités stratégiques en temps réel et d’être prête à pivoter pendant qu’elle teste, apprend et s’adapte ».
C’est parce que l’on travaille différemment avec les clients, les fournisseurs, les collaborateurs, que les données circulent et sont analysées, que l’on commence à entrevoir de nouvelles opportunités.
Illustration parfaite: les imprimantes HP
HP ne vend plus d’imprimante sur certains marchés, ou à un prix dérisoire. Elle propose un service d’impression à domicile.
L’imprimante est l’objet connecté qui commande et fait livrer automatiquement l’encre dont elle a besoin.
Cela révolutionne le produit et sa tarification. HP vend de l’encre comme un service.
Mais ce n’est possible que parce que le flux d’informations a été repensé. L’opportunité créée par le nouveau flux, l’imprimante connectée en wifi apparue il y a déjà quelques années, a influencé le nouveau modèle d’affaires d’aujourd’hui et non pas l’inverse.
Donc les opportunités sont nées ici de l’adaptation.
A l’inverse, définir d’abord la stratégie sous-estime la résistance au changement.
Les obstacles à la stratégie et la résistance au changement: l’exemple Walmart, leader de la grande distribution aux États-Unis
Walmart a voulu contrer Amazon avec leur propre site de vente en ligne.
Constat récent des dirigeants : « On n’y arrive pas ! ».
Pourtant, la réflexion stratégique a été menée.
Mais Walmart avait bâti son succès sur sa logistique huilée pour maximiser son efficacité dans la distribution physique aux États-Unis.
Alors qu’Amazon a d’emblée été pensé pour une distribution mondiale par Internet.
Ce n’est ni le même marché, ni le même environnement.
A-t-on jamais essayé de faire sortir de l’eau un poisson et de lui apprendre à marcher ? Il n’a pas été conçu pour…
L’approche stratégique théorique a ici sous-estimé la résistance de la structure: l’organisation, les processus, les outils. Tout autant que la résistance des collaborateurs et de la culture.
Culture et structure sont d’ailleurs intimement liés.
La culture est soutenue et renforcée par des symboles (la marque notamment) et des rites (les routines opérationnelles, c’est à dire les processus).
Toucher les routines, et les flux d’informations comme on le verra en conclusion, c’est permettre et soutenir un changement de culture.
Au contraire, tenter d’influencer la culture sans toucher à la manière de réaliser son travail au quotidien est le plus sûr moyen de confirmer l’adage populaire: « chassez le naturel et il revient au galop ».
Je ne dis pas qu’il ne faut pas aborder les questions de technologie, de stratégie et de culture.
C’est bien sûr essentiel comme condition du succès et exploitation des opportunités.
Je souligne juste que ce n’est pas un préalable réaliste, pragmatique et pertinent pour de nombreuses entreprises, en particulier pour les PMEs.
Comment donc réaliser la synthèse entre modèles d’affaires, technologie, culture, rôle central de l’équipe dirigeante, gestion de la résistance au changement et enclencher le changement, vraiment et durablement?
Le bon point de départ, c’est la donnée, donc les flux d’informations au sein de l’entreprise et avec son environnement
L’enjeu est de montrer clairement et objectivement si les flux d’informations sont adaptés aux nouvelles exigences de l’ère digitale, avec le bon niveau de discours pour un Comité de direction qui doit définir un consensus sur le point de départ et l’état futur désiré afin de porter le changement avec constance.
Comme tout effort de synthèse réussi, cela peut paraître simple, voire simpliste.
Ce n’est en tout cas pas simpliste. Et ce n’est pas si compliqué.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Lire la suite: A la vitesse d’un cheval au galop ou la marée montante de la transformation digitale