Ce billet est initialement paru pour le magazine économique suisse Bilan.
Continuons notre série sur la transformation digitale. Après avoir abordé les causes pour définir les adaptations nécessaires, abordons les conséquences profondes pour déterminer des priorités d’action.
Petit rappel des épisodes précédents
Nous avions débuté cette série sur la transformation digitale en remettant en question certaines théories qui voudraient qu’on aborde le sujet par la technologie, les nouveaux modèles d’affaires ou le changement de culture. Alors qu’en fait il ne s’agit là que de manifestations d’un phénomène plus profond qui impacte toutes nos activités.
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Pour n’être ni dans le déni, ni désemparé devant ce phénomène, nous devons en comprendre la cause, pas juste les conséquences. C’est ce qui permettra à une entreprise de prendre le contrôle de sa transformation digitale, au lieu de la subir.
Première clé de lecture: la cause de la transformation digitale
Dans le premier billet de cette série, nous avons mis le doigt sur cette cause: l’augmentation exponentiellement rapide de la puissance des calculateurs et des bases de données couplés à l’Internet mobile, qui permet de capturer et numériser toute information, l’analyser, la traiter et la restituer « instantanément » à qui ou à quoi elle peut être utile, humain, objet, robot, sans présager d’ailleurs de cet usage, partout, tout le temps [i].
Cette innovation modifie en profondeur l’infrastructure sur laquelle toutes nos entreprises humaines, économiques ou non, reposent; tout comme le télégraphe, la machine à vapeur et l’électricité ont apporté l’énergie et la communication à nos industries et ont ainsi profondément influencé l’activité économique et forcé les entreprises et les métiers à s’adapter.
C’est la raison pour laquelle les organisations ont besoin de comprendre comment l’information circule, en leur sein et avec l’extérieur, clients/usagers, fournisseurs et partenaires.
Si leurs flux d’informations répondent aux exigences nouvelles de l’ère numérique (voir le billet précédent sur la prise de contrôle de sa transformation digitale), l’entreprise est adaptée à la nouvelle infrastructure sur laquelle nous reposons tous.
Sinon, elle doit s’adapter en tout ou partie. C’est du darwinisme entrepreneurial.
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Cette compréhension des flux d’informations portera sur l’ensemble des activités de l’entreprise. Car l’information doit pouvoir circuler librement, partout et sans interruption.
Blood Flow Simulation from Manish Shrestha on Vimeo.
Prenons l’analogie du corps humain. On peut faire une radio des os, ou un IRM pour aller jusqu’aux tissus, sur telle ou telle partie du corps. Mais tout aussi important et vital est d’analyser comment circule le sang dans tout le corps. S’il y a un blocage quelque part, c’est un potentiel caillot et un futur AVC.
Les flux d’informations sont comme le flux sanguin. Pour être utile et produire ses bénéfices, l’information doit irriguer toute l’organisation sans entrave. L’information devrait circuler d’un secteur de l’entreprise à l’autre, des fournisseurs aux achats, des achats aux ventes, des clients au marketing, etc., et dans les deux sens bien-sûr.
Cette photo complète de l’impact de l’ère digitale sur ses flux d’informations est indispensable: savoir d’où on part et partager ce point de vue de manière factuelle, sont les deux premiers piliers de toute conduite du changement réussie.
Les deux piliers suivants sont une vision commune du futur et un plan d’action.
Quand on est tous d’accord sur les flux à adapter, par lesquels commencer? Cela demandera du temps et des ressources. Il faut donc bien déterminer des priorités.
Pour définir ces priorités, on en vient à la deuxième clé de lecture de la transformation digitale.
La première était sa définition et sa cause.
La seconde est sa conséquence profonde. Que se passe-t-il vraiment pour l’information à l’ère digitale ?
Deuxième clé de lecture: l’information est libérée et soudain tout change…
Cela peut paraître anodin, mais que se passe-t-il quand l’information est libérée?
L’information devient accessible à tous, en interne, comme en externe, dans les deux sens, simplement, complètement et en tout temps.
Or l’activité économique, et jusqu’à l’organisation des entreprises, a été bâtie sur une information rare, difficile à obtenir et à organiser, donc chère.
Des secteurs économiques entiers ont vu le jour sur ce principe, par exemple les agents de voyage, les courtiers en bourse, ou les médias d’information. On a vu l’impact de la libération de l’information sur ces secteurs, en très peu de temps.
Pour cette même raison d’information libérée, on assiste actuellement à des mouvements entrepreneuriaux de fond, par exemple:
- l’économie du partage rendue possible parce qu’à tout moment on peut savoir si une ressource est disponible ou non;
- la segmentation des besoins des clients toujours plus fine qui tend au segment réduit à une personne et donne ainsi lieu à la personnalisation de masse;
- les plateformes où les entreprises mettent à disposition leurs moyens de production, en transformant ainsi leurs coûts et expertise en source de revenue;
- l’e-commerce ou e-gouvernement.
Les effets se situent aussi sur l’organisation interne, notamment:
- le travail à distance;
- la redéfinition du rôle de « chef » qui devait une partie de son pouvoir à l’information qu’il détenait, donc aussi des hiérarchies plus plates, voire de nouveaux principes de gouvernance comme l’holacratie où les équipes s’auto-organisent sans chef;
- le coaching des équipes et des collaborateurs.trices au lieu de leur conduite;
- la fin programmée des silos étanches en lesquels s’étaient souvent transformés les départements d’une entreprise, départements créés à l’origine pour organiser l’information propre à chaque métier quand il était compliquée de la gérer et de la transmettre;
- la voix prépondérante redonnée au « terrain », au plus proche des clients/usagers, pour accélérer l’innovation.
Quatre dimensions prioritaires
Pour simplifier, on peut réfléchir à ces conséquences selon 4 dimensions: les clients, les fournisseurs et partenaires, les collaborateurs.trices et l’efficience interne.
Le choix des priorités déterminera la place et la performance de l’entreprise sur le nouveau terrain numérique sur lequel tout le monde évolue désormais.
Les mesures à prendre, elles, sont déjà décrites: adapter ses flux d’informations.
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Ces mesures vont faire basculer durablement l’entreprise dans l’ère numérique pour qu’elle en tire tous les avantages et pour s’y mouvoir comme un poisson dans l’eau.
Une fois à l’aise dans son nouvel environnement, une fois adaptée, elle va évoluer naturellement et se mettre à repenser progressivement tel ou tel produit ou service, ou sa politique tarifaire, ou son approvisionnement, ou ses canaux de distribution, ou son organisation interne; en bref, faire évoluer tout ou partie de son modèle d’affaires.
C’est ce qu’on appelle darwinisme entrepreneurial.
Dans les prochains billets de cette série, on se penchera sur ces différents éléments qui permettent de définir des priorités d’actions.
Et vous qu’en pensez-vous?
[i] Note : on ne juge pas ici des implications éthiques et sociétales de ce changement. Le propos est uniquement d’en constater factuellement l’existence, la cause et les implications pour les organisations privées ou publiques ; charge aux responsables politiques de définir la législation et les programmes nécessaires pour accompagner cette évolution. Le programme national de recherche sur la transformation numérique que la Suisse vient de lancer en est un exemple. L’UE aussi a ses propres programmes.
#TransformationDigitale #TransfoNum